En 1844, un oukaze de l'empereur Nicolas Ier interdit de construire des bâtiments civils plus hauts que le palais d'Hiver.
Le
palais d'Hiver au bord de la Néva et le quai du Palais. "Construire un nouveau Pétersbourg pour préserver l'ancien" nous dit Gazprom. Je ne comprends pas leur logique. Adieu l'unité
architecturale !
On peut remonter plus loin, au fondateur de la ville, Pierre le Grand.
C'est lui qui a instauré le principe d'urbanisme régulier qui fait l'harmonie de la ville jusqu'à nos jours. Pétersbourg a été créée ex nihilo à partir d'un plan rigoureux:
largeur des places et des rues, disposition des quartiers, projets types de maisons, et bien sûr, hauteur des bâtiments... L'alignement des maisons en un seul "horizon"
devient la règle: l'unité de la façade, la continuité de la rue... Bien sûr, les desseins du tsar n'ont pas tous été entièrement réalisés, mais en se baladant (surtout sur les quais), on
ressent encore l'idée qui a présidé à la création de cette magnifique cité. Cette ligne d'horizon est précieuse. Sans elle, Pétersbourg n'est rien.
Le St-Pétersbourg classique (ici le quai du Palais et la Néva): des bâtiments harmonieux sur des îles sans aucun relief
naturel. Même le régime soviétique n'y a pas (trop) touché. Comprenant surement qu'il serait difficile de se défaire du passé impérial de la ville, les bolchéviques ont transféré leur
capitale à Moscou et c'est là-bas qu'ils ont tenté de construire leur ville socialiste idéale.
Je suis contre cette construction, contre toutes les constructions, les hommes doivent vivre et travailler dans des cavernes
! Mais bien sûr que les détracteurs de la tour comprennent la nécessité pour une grande ville de se développer et d'augmenter son budget !
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C'est le bureau britannique RMJM qui a remporté le chantier. Solliciter des architectes étrangers, Gazprom respecte là les traditions
locales et pétroviennes !
On nous bassine avec la tour Eiffel ou l'Opéra de Sydney. Les villes sont différentes et ce qu'on peut se permettre ici ou là
est impensable ailleurs. On nous explique que beaucoup de
bâtiments à Piter ne respectent pas la ligne d'horizon. C'est vrai: des édifices religieux, Saint-Isaac, la flèche de la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul, le magasin Elisséev et la Maison du
Livre (ancien bâtiment de la firme Singer) sur l'avenue principale... Les partisans et adversaires se battent à coup de photomontages montrant les panoramas de la ville avec le gratte-ciel. Selon les partisans, on ne le verra presque pas: les endroits pour leurs
photomontages sont bien choisis, au cm près. De toute façon, les photos donnent une idée approximative du résultat. Certes, on ne verra pas l'Okhta-centre de partout et les distances sont
très importantes à Pétersbourg, mais cette horreur n'a pas sa place à cet endroit précis.
L'endroit où s'élèvera la tour (la zone du chantier est délimitée par des bâches
bleues). Une vue depuis le haut de la cathédrale Smolny.
Une plate-forme d'observation est prévue. De là au moins on ne verra pas le monstre.
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Le monastère Smolny
et sa cathédrale, chef-d'oeuvre baroque de Rastrelli, comme on les verra depuis la tour de la rive droite de la Néva
On peut pardonner à Gazprom la pub qui défigure certains bâtiments de la
ville, mais pas ce gratte-ciel... Construire ailleurs, ce n'est pas assez chic? Le centre, c'est ce qu'il leur faut. Et la vue des fenêtres. Un symbole
de puissance. Et qu'ils ne s'étonnent pas du tollé et de la haine qu'ils provoquent dans une ville à fort patrimoine historique comme Pétersbourg.
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Le gouverneur de Saint-Pétersbourg Valentina Matvienko et le patron de
Gazprom (un Pétersbourgeois) Alexeï Miller présentent le logo de l'Okhta-centre, une sorte d'étoile ou de fleur ressemblant à la tour vue d'en haut.
Selon Alexeï Miller les Pétersbourgeois VEULENT la tour et sont mêmes IMPATIENTS. Ben voyons, les sondages montrent le contraire. Les avantages selon Alexeï le Bienheureux:
lorsqu'on regardera la ville d'en haut, on aura un nouveau panorama (c'est vrai), on verra que les toits sont mal entretenus (c'est vrai) et on les restaurera plus souvent (construire une
tour pour ça...) ! Bel argument. Le projet est soutenu par la mairie de Saint-Pétersbourg et par l'ami de Gazprom, le Pétersbourgeois
Vladimir Poutine, bien que ce dernier s'en défende. Poutine dit que c'est une décision des
pouvoirs locaux, qu'il ne peut rien faire, que pour y avoir habité, il sait
que le lieu n'a aucune valeur historique, qu'une ville a besoin d'air frais etc. Une décision des pouvoirs locaux, c'est amusant quand on sait qu'ils sont à sa botte !
Et puis, Vova, il a d'autres problèmes à traiter et il ne faut pas tout lui mettre sur le
dos. Des Pétersbourgeois connus montent au créneau pour défendre le projet de
Gazprom. Font-ils preuve de cette servilité naturelle qu'on rencontre chez beaucoup trop de Russes, de cette allégeance aveugle au pouvoir en place? Surement. Dire que la tour va EMBELLIR la
ville, comme l'affirment certains, faut oser. Embellir une des plus belles villes au monde! On aura tout entendu. Heureusement que les opposants se font aussi entendre, et parmi eux le
directeur du musée de l'Ermitage Mikhaïl Piotrovski. Il n'en est pas à sa première prise de bec avec la mairie. Il dit que si la loi est enfreinte, il ne demandera plus d'autorisations aux
pouvoirs locaux et repeindra le palais d'Hiver de la couleur qu'il veut !

Valentina Matvienko et Alexeï
Miller. L'amour des habitants passe souvent par le foot et Gazprom investit massivement dans le "Zénith" (vainqueur de la Coupe UEFA en 2008). Gazprom construit aussi le nouveau stade qui
s'appellera... Gazprom Arena.
BONNE NOUVELLE: ICI
Le nouvel emplacement (mars 2011)