Rien ne remplace la visite d'un grand musée russe. Les plus grands trésors et
chefs-d'oeuvre n'ont pas fait le déplacement au Louvre, ce qui n'empêche pas d'admirer des pièces de grande valeur. Pour une expo hors de Russie, il n'y
a pas de quoi rougir, c'est franchement bien. Le thème n'est pas original, mais passons... Les lacunes des
collections du Louvre concernant la Russie sont (provisoirement) comblées. Bon, avant le tsar réformateur Pierre le
Grand, l'art était presque exclusivement religieux et on le voit bien à cette expo: des icônes (inévitables !), évangéliaires, psautiers, reliquaires, divers objets
liturgiques... C'est la période choisie qui veut cela ! Ce n'est pas la période que je connais le mieux, je dois
aussi l'avouer. J'ai longtemps vécu à Saint-Pétersbourg (ville fondée en 1703) et ma Russie commence avec Pierre le Grand, justement là où se termine l'expo au Louvre.
Si la plus célèbre des icônes, la "Trinité" d'Andreï Roublev, est restée à la galerie Trétiakov de Moscou, on
peut admirer son "oklad" (revêtement) précieux, l'oeuvre des meilleurs orfèvres du Kremlin. C'est de l'or, pas de l'argent doré ! Le revêtement (qui
recouvrait la peinture à l'exception des visages, des mains et des pieds des anges) a été séparé de l'icône en 1918. Cette parure a été offerte par le tsar Boris Godounov à
l'église de la Trinité du monastère de la Trinité-Saint-Serge pour l'icône de Roublev. Du parement datant d'Ivan le Terrible, subsistent encore les nimbes,
les trois couronnes des anges... Au cou de l'ange du centre est suspendue une chaîne avec une "panaghia" (sorte d'encolpion, médaillon) d'or offerte par le tsarévitch
Fédor, fils de Boris Godounov. La "panaghia" est enrichie de perles et de pierres précieuses et d'un camée byzantin de saphirine attribuable au Xe ou au XIe. L'oklad a été complété
par le tsar Michel Romanov en 1626. Les trois colliers (цаты) attachés aux nimbes ont alors remplacé ceux offerts par Ivan le Terrible. Ce revêtement est donc lié à la fois à
Ivan le Terrible, dernier grand représentant de la dynastie Riourik, à l'époque de transition de Boris Godounov et à Michel, le premier tsar de la dynastie Romanov. Diamants, émeraudes,
rubis, saphirs, rubellites, spinelles, grenats, saphirines, quartz, chrysoprases...
A propos de ce type de revêtements, on voit souvent les traces laissées par les clous sur les icônes... Vénération, vénération... et "barbarie" envers la
peinture !