Я считаю,
обходя
бульварные аллеи,
скольких
наследили
юбилеи ?
[...]
Не завидую —
у нас
бульваров много,
каждому
найдется
бульвар.
"Рабочим Курска, добывшим первую руду, временный памятник работы Владимира Маяковского"
En 1923, Maïakovski parlait de cette
propension à élever de nouveaux monuments. C'est aussi un fait marquant de ces dernières années à
Pétersbourg: le nombre de nouveaux monuments. L'apogée de cette "monumentomanie", la véritable épidémie, c'est 2003 avec les festivités du tricentenaire de la
fondation de Saint-Pétersbourg. La ville a été submergée de cadeaux du monde entier. Et les cadeaux ne se refusent pas. Le plus dur est de leur trouver une place ! Les cantons
suisses, par exemple, ont fait dans le petit et l'utile en offrant des
bancs, mais d'autres pays ont créé plus de polémiques. Pêle-mêle quelques exemples...
La France s'est malheureusement distinguée (malgré le respect que j'ai
pour Marek Halter qui supervisait la participation française aux festivités).
La France a offert la tour de la paix ("oeuvre" de l'artiste Clara Halter et de l'architecte J.-M. Wilmotte) qui défigure
un peu plus la place aux Foins (place de la Paix sous le régime communiste). La pauvre place aux Foins (Sennaïa) n'avait pas besoin de cela. Cette tour est totalement étrangère à
l'âme de la ville et à ses traditions architecturales.
L'aménagement de cette place est une question qui revient régulièrement. Aucune solution satisfaisante n'a été trouvée
pour l'instant. Les derniers changements ne sont pas une réussite... En attendant, la tour reste là, mais elle est difficile à supporter, même si on sait que c'est provisoire. Le provisoire peut
durer longtemps en Russie ! Un lieu qui me tient à coeur, car c'est le quartier qui a inspiré Dostoïevski, notamment dans "Crime et châtiment". J'ai eu la chance d'y vivre
plusieurs mois lorsque j'étais étudiante, en 1995 et 1996.
La colonne a été démontée à la fin du mois de juillet: voir ici
La fontaine "Le lac des cygnes" dans mon quartier de Pétrograd, au début de l'avenue Kamennoostrovski, un autre
cadeau de la France, plus discret et agréable. Cette fontaine, comme d'autres, a été la cible de plaisantins, pour le plus grand plaisir des passants (ci-dessous en
2006).
De nouveaux monuments dont le rapport avec Pétersbourg ne saute pas aux yeux.
Dans un jardin sur l'avenue Kamennoostrovski, toujours. Le monument
dédié au poète persan du XIIe siècle Nizami: un cadeau de l'Azerbaïdjan, inauguré en 2002 en présence des deux présidents d'alors, Poutine et H.
Aliyev. Pourquoi pas, en signe d'amitié entre deux peuples... On l'a échappé belle: Aliyev aurait pu offrir une statue de lui-même !
Un autre cadeau "énigmatique", toujours dans mon quartier. La statue du poète tatar Gabdulla Toukaï, inaugurée en 2006, à l'occasion du 120e anniversaire de la
naissance du poète. L'endroit choisi est à l'angle de l'avenue Kronverkski et de la rue Zvérinskaïa, car c'est là que se trouvait le quartier tatar au XVIIIe siècle. La mosquée tatare n'est pas loin non
plus.
Rue Malaïa Sadovaïa (zone piétonne depuis une dizaine d'années). Le
monument au photographe pétersbourgeois (avec son chien !), apparu ici en 2001. Très populaire ! Un petit hommage au célèbre photographe Karl Bulla dont l'atelier se trouvait non loin de là.
On ne refuse pas un cadeau, surtout provenant du président de l'Académie des
Beaux-Arts de Russie, Zourab Tsereteli ! Après une exposition de ses oeuvres en 2005, le sculpteur très controversé a offert cette statue de Pierre Ier à la
ville, en indiquant aussi les endroits où il souhaiterait la voir (le centre historique prestigieux, on s'en doute). Un compromis a été trouvé en choisissant l'île Vassilievski,
pas trop loin du centre, mais dans une partie à l'architecture "soviétique", devant l'hôtel "Pribaltiïskaïa".
On est loin des 98 mètres du Pierre Ier de Tsereteli de Moscou, mais le monument a quand même fait scandale. Comme si
Pétersbourg avait soudain eu peur d'être "tseretelisé" comme Moscou.
Le fondateur de la ville est incontournable:
Quai de l'Amirauté, au bord de la Néva. "Le
tsar-charpentier". Un monument à Pierre Ier (oeuvre de
L. Bernstamm, né à Riga, hein Gilles
!) à l'histoire mouvementée. En 1910, un
monument comme celui-ci, commandé par Nicolas II, est installé sur ce quai. Une copie en est faite et offerte à la Hollande, le pays où le tsar avait été apprenti dans la construction navale, le
pays qu'il admirait tant. La copie est installée à Zaandam, où le tsar avait vécu "incognito". Après le coup d'Etat bolchévique, la statue (originale) du quai de l'Amirauté est
détruite. En 1996, à l'occasion du
tricentenaire de la marine russe, la Hollande a fait une copie
de son monument de Zaandam et l'a offerte à son tour à Pétersbourg. L'inauguration a eu lieu en présence du prince d'Orange, Willem-Alexander des Pays-Bas.
Les Romanov effectuent un retour en grâce...
Monument à l'empereur Paul Ier (2003), dans la
cour du château Saint-Michel qu'il a fait construire et où il a été assassiné en 1801.
Des monuments qui divisent souvent l'opinion... Comme ces sphinx "métaphysiques":Quai Robespierre. Le musée à ciel
ouvert de Saint-Pétersbourg compte plusieurs oeuvres de Mikhaïl Chémiakine. Ici, un monument dédié aux victimes des répressions politiques, inauguré en
1995 par la volonté du maire de l'époque, Anatoli
Sobtchak. L'emplacement est symbolique, comme les deux profils: de l'autre côté de la Néva, la prison en briques rouges "Les croix".
Le provisoire qui dure...
Dans la rue Malaïa Koniouchennaïa, piétonne, un cadeau de... la police. Un "gorodovoï", un sergent de ville du XIXe siècle, par le sculpteur Albert Tcharkine. Installé là en 1998 provisoirement en attendant de choisir un lieu plus approprié. Le monument n'a pas trouvé sa place et va rester là encore un bout de temps, visiblement. Il amuse les Pétersbourgeois à cause de sa ressemblance avec un réalisateur et acteur célèbre, Nikita Mikhalkov, et aussi... à cause de son pantalon très moulant !
Le plus absurde de ces dernières années:
Un jeune baigneur tout
nu près de l'église Saint-Siméon-et-Sainte-Anne, une des plus anciennes de la ville ! La sculpture, intitulée "Le nouveau siècle", est une oeuvre d'Evguéni
Rotanov. A quoi pensaient ceux qui ont choisi ou approuvé l'emplacement ?
Saint-Pétersbourg est un mythe littéraire et les écrivains ne sont pas oubliés...
Rue Malaïa Koniouchennaïa (comme le policier). Nikolaï Gogol, à quelques mètres de la perspective Nevski à laquelle il a consacré un de ses "récits pétersbourgeois". Le monument a été inauguré en 1997.
Ivan Tourguéniev, place du Manège. Inauguré en 2001. Pétersbourg n'a pas
beaucoup inspiré Tourguéniev. Le monument a pourtant été payé par la ville, contrairement à celui de Gogol. Allez comprendre !
Les héros de romans sont aussi à l'honneur...
Rue d'Italie. Un hommage au "grand combinateur" des romans d'Ilf et
Pétrov, Ostap Bender, à l'entrée d'un restaurant. C'est une oeuvre d'Albert Tcharkine (comme le gorodovoï plus haut).
Les animaux sont toujours populaires... Je vous ai déjà parlé des nouvelles sculptures: le lièvre près de la forteresse, le chat Elisseï, près de la Nevski, Tchijik-Pyjik...
Il faudrait peut-être créer, comme à Moscou, un parc de sculptures. On
pourrait aussi y reléguer, en prenant exemple sur les Moscovites, le monument à Félix Dzerjinski, qui est toujours debout à Pétersbourg, rue Chpalernaïa (une honte, mais pas pour tout le monde
apparemment). La liste s'allonge tout le temps. Difficile de
suivre une telle floraison de monuments ! Espérons que la qualité esthétique sera le plus souvent possible au rendez-vous et qu'il n'y aura pas trop de discordance avec l'esprit
pétersbourgeois...
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