Le maréchal rouge: Mikhail Toukhatchevski

Général à 25 ans, maréchal à 42 ans, fusillé à 44...

La biographie de Mikhail Nikolaïévitch Toukhatchevski.

Je ne suis pas très attirée par l'histoire de l'Union Soviétique. J'ai pourtant apprécié la biographie du dirigeant militaire soviétique Mikhail Toukhatchevski écrite par Sophie de Lastours, docteur en histoire militaire de la Sorbonne. La préface est signée Alexandre de Marenches.

Albin Michel, 1996

Toukhatchevski est né en 1893, dans la province de Smolensk. Il avait un aïeul français, resté en Russie après la campagne de Napoléon. Instruit, grand mélomane virtuose, polyglotte, aristocrate par son père: un bolchévique vraiment atypique. Combattant au sein de l'armée tsariste, il a été fait prisonnier en 1915, et c'est en captivité à la forteresse d'Ingolstadt en Bavière qu'il a fait la connaissance d'un jeune officier français, Charles de Gaulle. Il a réussi à s'évader en 1917.

Les cinq premiers maréchaux de l'Union Soviétique en 1936.

Au second rang, de gauche à droite: Sémion Boudienny  (1883 - 1973),

Vassili Blücher (1889 - prison de Léfortovo, Moscou, 1938)

Au premier rang, de gauche à droite: Mikhail Toukhatchevski (1893 - fusillé, 1937),

Kliment Vorochilov (1881 - 1969),

Alexandre Egorov (1883 - fusillé, 1939).

     Rallié à la révolution, officiellement numéro deux derrière Vorochilov, c'est pourtant lui le véritable réformateur de l'Armée rouge. Théoricien militaire, membre du parti communiste, liquidé par Staline en 1937 pour haute trahison, sur la foi d'un dossier nazi. L'auteur ne cherche pas à réhabiliter Toukhatchevski. C'est clair, il a été complice d'un régime criminel et indéfendable. Il a écrasé la révolte des marins de Kronstadt en 1921 et a participé aux épisodes les plus sanglants de la guerre civile.

      Le sang est d'ailleurs omniprésent dans ce livre, ruisselant à travers les pages. C'est l'époque très dure qui veut ça, le régime stalinien: 1937, Vychinski, NKVD, la Loubianka... Des années effroyables.

Toukhatchevski durant son procès.

Arrêté, torturé et fusillé, deux ans après avoir été nommé maréchal.

       On connaît Staline: la terreur n'épargna pas la famille de "l'ennemi du peuple". Ceux qui n'avaient pas eu la chance de mourir avant 1937 ont connu un destin tragique. Nina, la troisième femme de Toukhatchevski, a été déportée puis fusillée. Deux frères de Toukhatchevski ont connu le même sort. La mère du maréchal est morte au GOULAG. Svetlana, la fille de Toukhatchevski, qui avait 12 ans à l'époque, a été placée dans un orphelinat du NKVD, puis envoyée dans un camp de travail à sa majorité. Même  la deuxième épouse du maréchal, dont il avait divorcé depuis longtemps, s'est retrouvée dans un camp de travail à régime sévère pour ses liens avec un "traître" !

       Les purges de 1937-1938 se sont vite révélées catastrophiques: l'Armée rouge était décapitée, à la veille du grand conflit mondial. Il ne restait que 10% des généraux et 20 % des colonels! Le pays a payé le prix fort lors de la Seconde Guerre mondiale. L'expérience de Toukhatchevski et des nombreux officiers exécutés aurait été très utile, notamment lors du siège de Léningrad, qui a montré les limites du "stratège" Vorochilov.

      Mikhail Toukhatchevski a été réhabilité sous Khrouchtchev.

Anton Tchékhov donnait un conseil aux dramaturges débutants: si au premier acte un fusil est suspendu au mur, il doit tirer au dernier acte. Cette loi s'est appliquée pour Toukhatchevski. Il est entré en révolution par les armes et c'est par les armes qu'il est mort 20 ans plus tard. Il est vrai que Toukhatchevski aimait beaucoup Tchékhov.