Les pierres me font rêver. Juste avant d'aller visiter l'expo Bulgari au Grand Palais, je vais parler d'un diadème orné de saphirs et de diamants ayant appartenu aux Romanov. L'histoire est un peu compliquée. Je n'ai pas tout compris (certaines sources sont en anglais et je suis définitivement fâchée avec cette langue), alors je mets ce dont je suis pratiquement sûre... Voici le passage en revue des propriétaires successives.
Portrait de l'impératrice Alexandra Fédorovna, née Charlotte de Prusse (1798-1860), par Christina Robertson, 1840, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
Le diadème est un cadeau de son époux, Nicolas Ier, à l'occasion de son accession au trône, en 1825.
C'est le petit-fils d'Alexandra Fédorovna, le grand-duc Vladimir Alexandrovitch qui en hérite. On retrouve donc une vieille connaissance, l'épouse de Vladimir, Marie Pavlovna, née princesse de Mecklembourg-Schwerin. Dès qu'on parle de joyaux, elle n'est jamais loin. La dernière fois que j'ai parlé d'elle, c'est pour son collier de chien Cartier.
Là aussi, on a affaire à Cartier. En effet, en 1909, peu après la mort de son mari, Marie Pavlovna fait transformer le diadème d'Alexandra Fédorovna par Cartier. La forme ressemble à un kokochnik. Le saphir central de 137.20 carats, provient d'une broche. Louis Cartier se déplace en personne à Saint-Pétersbourg pour apporter le diadème à l'une des meilleures clientes de la maison. La broche est aussi de Cartier. Marie Pavlovna porte ce diadème sur le portrait peint par Koustodiev en 1913. On remarque aussi en arrière-plan l'académie des Beaux-Arts à St-Pétersbourg, au bord de la Néva, dont Marie Pavlovna était présidente.
Ce portrait de Marie Pavlovna par Koustodiev est réapparu lors d'une vente par Sotheby's à New York en 2006. Estimé à 700 000 - 1 000 000 $, il est resté invendu, je crois.
Sur une esquisse datant de 1911 et conservée dans un musée de Yaroslavl, Marie Pavlovna porte un autre diadème, avec des perles (le diadème Vladimir qui appartient actuellement à la reine Elizabeth II d'Angleterre).
Marie Pavlovna a réussi à récupérer une grande partie de ses joyaux après le coup d'Etat bolchévique et elle a vendu le diadème à sa nièce, la reine Marie de Roumanie (1875-1938), dont l'amour pour les diadèmes imposants est connu.
Un portrait de Marie de Roumanie par László. Marie de Saxe-Cobourg-Gotha, princesse de Grande-Bretagne, était la fille d'Alfred, duc d'Edimbourg, et de la grande-duchesse de Russie Marie Alexandrovna. Marie est donc à la fois la petite-fille de la reine Victoria, par son père, et la petite-fille du tsar Alexandre II, par sa mère. Et donc aussi l'arrière-petite-fille de la première propriétaire du diadème (avant transformation), l'impératrice Alexandra Fédorovna en portrait plus haut.
La reine Marie possédait aussi un long collier Cartier avec un des plus gros saphirs au monde, 478 carats (elle le porte sur la plupart des photos) !
La soeur de Marie, Victoria Melita, était l'épouse du grand-duc de Russie Cyrille (le fils de Marie Pavlovna, l'ancienne propriétaire du diadème citée plus haut). Marie de Roumanie a acheté plusieurs joyaux de sa soeur en exil.
Il a été question d'un mariage entre Carol, prince héritier de Roumanie, le fils de Marie, et Olga, la fille aînée du dernier tsar Nicolas II. Une rencontre avait été organisée, mais le projet des parents n'a pas abouti comme on le sait. Olga ne voulait pas quitter la Russie. Elle aurait été à coup sûr malheureuse si un tel mariage avait eu lieu, mais elle aurait surement échappé au massacre d'Ekatérinbourg. On peut noter aussi que Marie de Roumanie était la cousine germaine du dernier couple impérial russe: de Nicolas II, par sa mère, et d'Alix, par son père.
Marie de Roumanie, une de ses soeurs et ses trois filles (?). Marie (Mignon) de Yougoslavie (assise, la première à droite) porte aussi un diadème d'origine russe (et son collier), avec des émeraudes.
Ileana de Roumanie (1909-1991) a reçu le diadème en cadeau de la part de sa mère à l'occasion de son mariage avec l'archiduc Antoine d'Autriche, en 1931. Dans les années 1940 ou 1950, aux Etats-Unis, Ileana a vendu le diadème. Il appartiendrait aujourd'hui à Cartier.
Dès qu'on parle du diadème, on tombe sur cette photo d'Ileana. Or, la photo est trafiquée (le diadème est carrément de travers). Ce qui ne l'a pas empêchée de se retrouver en couverture de l'autobiographie de la princesse ! Allez comprendre...
Illustrations:
http://www.tkinter.smig.net/index.htm
http://www.hermitagemuseum.org/
La reine Marie de Roumanie