Trompe-l'oeil à la russe: mosaïque et malachite

Au XVIIe siècle, on a découvert des gisements de malachite en Russie, dans la région de l'Oural. Cette pierre semi-précieuse n'a commencé à être largement utilisée qu'à partir des années 1830 pour la fabrication d'objets d'art et le décor des intérieurs. Deux mines à elles seules donnaient environ 80 tonnes de malachite par an. En 1835, on a même trouvé dans l'Oural un bloc monolithique de 250 tonnes!

On peut admirer quelques exemples du travail de la pierre à Saint-Pétersbourg:

Vase (1,84 m!)
Début des années 1840, manufacture lapidaire d'Ekatérinbourg
Escalier du Conseil, musée de l'Ermitage
On dirait un monolithe, mais c'est un magnifique trompe-l'oeil!

La mosaïque russe
La méthode dite de la "mosaïque russe" est apparue dans les années 1780 et concernait la malachite (la plus populaire), le lapis-lazuli et le jaspe. Une base lisse en fer ou cuivre (plus rarement en pierre) était revêtue d'un mastic chaud composé de cire et de colophane. De minces lamelles de malachite (2 ou 3 millimètres) étaient sciées puis collées sur ce support. Les morceaux étaient évidemment choisis d'après leur coloris et leur dessin, afin de créer l'illusion (différents types de mosaïques existaient selon le dessin choisi). Un mastic contenant de la poudre de malachite comblait les espaces laissés libres entre les morceaux. Pour finir, la surface était égrisée puis polie. La malachite plus claire était la plus prisée.

Vase et tables de la manufacture lapidaire de Peterhof (années 1850)
Grande Verrière (Italienne) dans le bâtiment du Nouvel Ermitage, musée de l'Ermitage

Salle de Malachite au musée de l'Ermitage
C'était le salon de l'impératrice Alexandra Fiodorovna, l'épouse de Nicolas Ier. On doit ce magnifique intérieur à l'architecte Alexandre Brioullov et il date d'après l'incendie de 1837 qui a ravagé le palais d'Hiver. Avant l'incendie, la pièce était décorée en jaspe de l'Oural. La décoration (malachite, dorure) est typique de la fin des années 1830 et du début des années 1840. Les colonnes, pilastres, cheminées et tables sont en mosaïque russe. On trouve également beaucoup d'objets en malachite dans cette salle (manufactures de Peterhof et Ekatérinbourg).


Cathédrale Saint-Isaac (1818-1858, Auguste Ricard de Montferrand)
Iconostase principale de la cathédrale Saint-Isaac.
Les 8 demi-colonnes en malachite font 10 mètres de haut et 1 mètre de diamètre. Les fûts en bronze sont revêtus de plaques de malachite assemblées en une mosaïque. La malachite provient de Nijni Taguil, non loin d'Ekatérinbourg (un gisement découvert en 1831). En tout, pour la décoration de la cathédrale, on a utilisé plus de 15 000 kg de malachite! Au centre, des colonnes en lapis-lazuli de Badakhchan (Afghanistan), plus petites, sont également fabriquées selon le même procédé de "mosaïque russe".
Un mystère de la cathédrale, que certains ont qualifié de "miracle" puisque l'édifice était fermé au culte sous le régime communiste: on sent souvent comme une forte odeur d'encens dans le musée. L'odeur provient des demi-colonnes en malachite. Un des composants du mastic liant les plaquettes pourrait sentir de la sorte dès qu'il chauffe un peu.


Le salon Vert dans le palais des princes Youssoupov sur la Moïka.
Cheminée en malachite de l'Oural (années 1860).
Les jointures sont insoupçonnables de loin.

Une magnifique coupe ayant appartenu aux Stroganov.
Elle est exposée aujourd'hui dans la salle de Malachite de l'Ermitage: ici


Un autre vase de l'Ermitage qui n'est pas fait avec cette technique en trompe-l'oeil et qui n'est pas en malachite, mais intéressant quand même avec ses 19 tonnes: voir ici