Le Pétersbourg qui n'existe plus

En 1918, juste après le coup d'Etat bolchévique, Pétrograd a perdu le statut de capitale au profit de sa rivale de toujours, Moscou. Saint-Pétersbourg-Pétrograd a rendu ce statut "emprunté" durant plus de deux siècles. Beaucoup de gens pensent que cela a sauvé la ville. Moscou, la ville de l'utopie, a subi des reconstructions, on peut même dire qu'elle a été défigurée par le nouveau régime, tandis que Léningrad tentait de s'habituer à son rôle de provinciale délaissée, loin du pouvoir et des folies du Kremlin. Bien sûr qu'on ne peut pas comparer les deux situations, mais l'architecture de Léningrad a quand même souffert. Un exemple parmi d'autres, en plein centre-ville. Rendez-vous à l'angle des perspectives Nevski (l'avenue principale) et Ligovski, sur la place de l'Insurrection (Vosstania).


De nos jours, la silhouette imposante du pavillon de la station de métro "Place de l'Insurrection" ("Plochtchad Vosstania") est familière pour tous les Pétersbourgeois.

Cet hiver (merci Sacha pour la photo!)

Qu'est-ce qu'il y avait à cet endroit auparavant? Une église.


En 1765, on a construit là une église en bois de la Vierge-du-Signe. En 1794-1806, l'architecte Fiodor Démertsov l'a remplacée par une en briques, à 5 coupoles, de style classique, pouvant accueillir 3500 fidèles: l'église de l'Entrée-à-Jérusalem. L'intérieur était un des plus beaux de la capitale impériale. L'église était plus connue dans le peuple sous le nom de "Vierge-du-Signe", du nom de l'icône la plus vénérée  qu'elle abritait. La place s'appelait également "place de la Vierge-du-Signe" ("Znamenskaïa").


En 1932, 1934 et 1936, le régime communiste a tenté de la fermer au culte, mais le médecin et physiologiste de renommée mondiale, prix Nobel, Ivan Pavlov, en était un des fidèles... Les dirigeants du parti à Léningrad auraient attendu la mort de Pavlov (en 1936) pour fermer l'église et finalement la détruire, en 1940.

L'icône de la Vierge du Signe a été transférée dans la cathédrale Saint-Nicolas-des-Marins qui elle, fait exceptionnel, n'a jamais été fermée au culte pendant le régime communiste,
et même pendant le blocus de Léningrad de 1941-1944.


Aujourd'hui, la première chose qu'on voit en sortant de la gare de Moscou, c'est ce pavillon du métro datant de 1955 et qui ressemble d'ailleurs à l'église détruite. La station faisait partie des premières stations ouvertes (ligne rouge).

En 1999, le pavillon d'une autre station du métro pétersbourgeois, "Place aux Foins" ("Sennaïa plochtchad"), s'est effondré, faisant 7 morts. Ce pavillon avait aussi été construit non loin de l'emplacement d'une église détruite. Certains ont immédiatement parlé de châtiment céleste et pointé du doigt des endroits similaires où des tragédies pouvaient survenir selon eux...

La place s'appelait auparavant place de la Vierge-du-Signe (Znamenskaïa), mais elle a été rebaptisée "place de l'Insurrection" (Vosstania) en 1918, en souvenir des manifestations qui y avaient eu lieu un an plus tôt. Inaugurée au centre de la place en 1909, la statue équestre d'Alexandre III du sculpteur Paolo Troubetskoï a été enlevée en 1937, officiellement car elle gênait la circulation. Elle se trouve actuellement dans la cour du palais de Marbre, filiale du musée Russe. Alexandre III y a remplacé l'auto blindée de Lénine. Chassé-croisé historique...


L'obélisque "A la ville héroïque Léningrad" au centre de la place de l'Insurrection a été érigé pour les 40 ans de la victoire sur l'Allemagne nazie.
A droite, le bâtiment vert de l'hôtel "Oktiabrskaïa" ("Octobre").


La gare de Moscou à St-Pétersbourg
(en Russie, les gares portent le nom de la destination) en mars 2007.